
Décarboner le chauffage des logements et la route? Issu de la méthanisation, le biogaz est peu cité en tête de liste des énergies renouvelables. Il est pourtant sur une forte lancée, en particulier dans le Grand Est.
Le biogaz à beau être vert, on ne le voit guère faire la Une des énergies renouvelables. Quand bien même le Grand Est est la première région française en matière de biogaz issu de la méthanisation injecté dans les réseaux de gaz: 16% du total France, qu’il s’agisse des installations ou qu’il s’agisse des capacités maximales, selon GRDF (Gaz réseau distribution France).
Peu cité peut-être, mais plutôt coté. Le gaz vert se taille en effet une place grandissante dans le chauffage des logements et les mobilités: poids lourds, cars, bennes à ordures. Les tracteurs pourraient suivre. En revanche, pour les voitures individuelles, l’absence d’offres constructeurs demeure un frein.
En parallèle, les technologies évoluent, et la région bouge avec. Le gaz vert provient du biométhane (issu des déchets organiques, des résidus agricoles ou des effluents d’élevage). Aujourd’hui, ce sont les sites à injection qui ont le vent en poupe plutôt que la cogénération simultanée d’électricité et de chaleur.
Le chauffage, première destination
Côté injection, le Grand Est comptabilise 68 installations (sur 189 en incluant la cogénération). L’Aube caracole en pole position, la Moselle, la Marne et la Haute-Marne avancent à grands pas tandis que les Vosges détiennent la palme du nombre de sites (à injection et à cogénération).
Les nouvelles opportunités créées par le gaz vert étaient au cœur de la 9è convention d’affaires du biogaz et de la méthanisation qui s’est tenue les 24 et 25 novembre à Troyes. C’est dans la préfecture de l’Aube qu’est née, il y a tout juste dix ans, Biogaz Vallée, association nationale qui fédère les soutiens industriels et scientifiques à la méthanisation.
Dans les réseaux de gaz du Grand Est, le gaz vert compte actuellement pour 3%. Ce pourcentage va atteindre 10% en 2024, avec un objectif de 30% en 2030. D’une manière générale, “la dynamique est presque exponentielle”, relève Christophe Desessard, directeur clients-territoires de GRDF pour le Grand Est et la Bourgogne/Franche-Comté. Explication? Le gaz vert est stockable, non intermittent, produit localement et consommé sur le territoire. Et “la transition énergétique, c’est le problème des 15 ans qui viennent”, avance-t-il. Le tout dans un cadre général résumé par Emmanuel Connesson, directeur territorial Grand Est GrdF: “on entre dans une période multi-énergies et de mix énergétique. Il n’y a pas une énergie qui a réponse à tout, c’est en fonction de l’utilisation”.
Transports: des stations multi-énergies
Première destination du gaz vert, le chauffage devrait basculer progressivement sans trop de contre coût en matière d’équipements. Côté mobilités, de Reims à Nancy et de Mulhouse à Sarreguemines, de nombreuses collectivités ont déjà recours au biogaz pour leurs flottes de bus, camions et bennes à ordures. Laboratoire d’expérimentation pour le Grand Est, la Régie départementale de transport des Ardennes (RDTA), basée près de Charleville-Mézières, a mis en service vingt cars au 1er septembre 2021 et projette l’ouverture d’une station biogaz sur son dépôt de Rethel, distant d’une cinquantaine de kilomètres. L’autonomie des cars oscille entre 5 et 600 kilomètres. “Le surcoût à l’achat, la formation des mécanos et la remise aux normes des ateliers a été en partie compensée par la réorganisation,” a spécifié la Régie. Le Bas-Rhin prévoit 75 cars d’ici 2026.
L’obstacle n’est donc plus l’autonomie. Reste la “problématique du maillage du territoire et de la distribution”, signale Arnaud Bilek, directeur général de Gaz’up, un groupement de transporteurs. Cette coopérative s’est organisée pour « ouvrir des stations multi-énergies, gaz et biogaz”. “Le choix de la raison, c’est le biogaz”, renchérit-il. Dans la même veine, le Bourguignon Christophe Rousseau, président de l’association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF), qui fédère 2000 méthaniseurs dans l’Hexagone, a annoncé la création de 500 stations dans les deux à trois ans à venir.
L’appel des chambres d’agriculture
“On ne valorise pas assez l’image de la méthanisation, pourtant l’image est belle: le car qui emmène vos enfants à l’école est alimenté par les déchets de la cantine”, a regretté un agriculteur du Rethelois. A petite et à grande échelle, le biogaz a encore des défis à relever. “Le pouvoir de décarbonisation du biométhane est reconnu au niveau européen. Par contre, les mesures s’arrêtent au pot d’échappement, c’est un problème”, a pointé Jean Terrier, responsable projets mobilités GRT gaz (gestionnaire de réseau de transport de gaz).
La convention a donc aussi été l’occasion pour les chambres d’agriculture du Grand Est, GRDF, GRT Gaz et la Région de lancer un appel à manifestation d’intérêt “méthanisation”. Il suffit de contacter les chambres d’agriculture locales. Dans le Grand Est, l’emprise de la méthanisation est, actuellement, de 0,5% des surfaces agricoles.