Philippe Mille, chef doublement étoilé des Crayères à Reims, vient de publier “L’Ame de la Champagne”. De la plus noble à la plus modeste, les matières relient artisanat, recettes et effervescents.
Son père était ferronnier, lui aurait pu être ébéniste… Philippe Mille sera cuisinier. Mais l’art de la matière a durablement forgé le chef doublement étoilé du domaine des Crayères à Reims. Et ce parcours explique en filigrane l’originalité du deuxième livre de ce natif de la Sarthe: dans “L’Ame de la Champagne”, Philippe Mille relie artisanat d’art et haute gastronomie. Une évidence, après coup, qu’illustre son vitrail de langoustines placé en regard du plus vieil atelier de vitraux de France, l’atelier Simon Marq, et de la rosace de la cathédrale de Reims.
Une belle entrée en matières. Ces dernières sont au nombre de seize, prestigieuses comme modestes: du chêne aux pigments, de la craie au verre, du fer à l’or, du cuir au papier… A chaque fois, ces matières sont la source d’une rencontre avec un artisan d’art de la région, un plat et sa recette créée par Philippe Mille avec son équipe. Retrouvaille qui se célèbre toujours avec un champagne des grandes maisons de l’appellation. Les photos d’Anne-Emmanuelle Thion prolongent ces découvertes mutuelles. Un peu comme cette marqueterie de paille qui donne envie de cuire une saint-jacques sous la paille.
« Ce n’est pas un livre de cuisine pure, je voulais vraiment raconter une histoire”, commente ce surdoué de la cuisine. A peine arrivé aux manettes du restaurant gastronomique Le Parc, au domaine des Crayères, il avait décroché coup sur coup les deux étoiles du Michelin ((2011 et 2012), tout en passant par la case Meilleur ouvrier de France (MOF) 2011.
Toutes les recettes (entrées, plats et desserts) de l’ouvrage ont été réellement mises sur la table. Car, glisse Philippe Mille amusé, “il ne s’agit pas de faire une photo avant de faire le goût”. Clin d’oeil à l’auguste Escoffier et fidélité à ses convictions: dans son premier livre, “Le goût à l’état brut”, paru en 2016, le chef rémois mettait en avant les producteurs avec lesquels il travaille. Pas étonnant non plus que le produit de la vente de “L’Ame de la Champagne” contribue à financer l’association qui organise le Trophée Mille, concours dont il a eu l’initiative afin de valoriser et motiver les apprentis cuisiniers et serveurs des lycées et CFA. Régional au départ, le concours a aujourd’hui pris une envergure internationale. Il est vrai que c’est en forgeant qu’on devient…
“L’Ame de la Champagne – Artisanat d’art et haute gastronomie”, par Philippe Mille. Préfaces: Jean-François Girardin et Guillaume Gomez; Photos: Anne-Emmanuelle Thion. Ed. Albin Michel, 287 pages, 49 €. Textes en français et en anglais.