Reims remet sur le métier la couture et le textile

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Institut de formation aux métiers du monde à Reims
Le styliste et président de l'Institut, Ousmane Ouedraogo, et le directeur Grand Est de la Banque des territoires, Patrick François, lors de la signature de la convention. Photo: CD

L’institut de formation aux textiles du monde a ouvert fin janvier à Reims. Il va assurer des formations aux “petits métiers” de la couture, du tissage végétal et de la teinture, emportés par les délocalisations industrielles. Mais ce n’est pas tout. Des notions de business à la transmission de savoir-faire, il investit aussi dans la richesse humaine.

C’est un peu l’alliance rêvée: ressusciter les “petits métiers” de la couture et du textile tout en s’engageant sur des valeurs, inclusion et transmission en tête. Le tout nouvel Institut de formation aux textiles du monde a pris ses quartiers, le 27 janvier à Reims, dans les locaux d’une friche industrielle située à côté de la Cartonnerie. En avril, il dispensera sa première session de formation de couturiers, costumiers, retoucheurs et agents de finition. L’apprentissage du tissage végétal et de la teinture compléteront le dispositif à partir de la rentrée. Co-fondé par deux hommes de conviction, le styliste burkinabé Ousmane Ouedraogo et l’homme d’affaires François de Beaulieu, il s’adresse à des personnes, de tous âges, sans emploi, en reconversion ou handicapées, via Pôle Emploi. Histoire de mettre un maximum d’atouts de son côté, l’Institut, officiellement reconnu organisme de formation professionnelle, a obtenu la certification Qualiopi et a déposé son dossier afin de décrocher également le label international B Corp (dont Danone est, en France, le porte-drapeau le plus connu). 

400 heures, un stage, un accompagnement

Le projet n’a pas échappé à la Banque des territoires, groupe Caisse des dépôts. Dans le cadre de programme “Territoires d’industrie”, elle a signé une convention de partenariat avec l’Institut, une première dans le Grand Est. L’occasion, pour Patrick François, son directeur régional, de rappeler que l’une des missions de la Banque des territoires est de “piloter cette grande aventure de reconquête industrielle”. Or il n’y a pas que le tissu industriel qui soit effiloché. “Il faut qualifier au plus près en accompagnant les compétences, en réapprenant les gestes, la méthode…”, poursuit-il. “Il n’y a pas que les murs et les machines, mais aussi la puissance immatérielle”. Les 100 000 euros du fonds d’amorçage de la Banque des territoires seront relayés par un financement en prêt subordonné de la Caisse des dépôts. D’autres financements -liés à l’économie et au social, négociés avec les banques et investisseurs privés- doivent venir compléter un budget évalué à environ un million d’euros.

Dix premiers apprenants débuteront donc en avril, dans des locaux provisoires. La deuxième session est fixée à septembre et aura, cette fois, pour cadre définitif le bâtiment situé rue du Commerce où la société Kube a redynamisé des friches. Soit 590 m2 transformés principalement en ateliers et show room. Le rythme de croisière de l’Institut est de trois sessions par an, avec pour chacune 15 apprenants. Surtout, ce qui les attend, “c’est une aventure de douze mois”, détaille François de Beaulieu, directeur de l’Institut: trois mois de formation (400 heures) in situ avec, également, un module business/vente et des cours d’anglais, deux mois de stage en entreprise, puis sept mois d’accompagnement destinés à les aider à trouver un emploi, à intégrer une entreprise, voire à fonder une micro-entreprise.  

« Ces tissus ont plus de vie que le tissu industriel »

“Le projet a vu le jour pendant le confinement”, explique Ousmane Ouédraogo, président de l’Institut. Ancien mannequin devenu créateur de mode, il a assuré des défilés en Afrique, en Amérique du Nord et en Europe. On a aussi pu le découvrir au palais du Tau à Reims (2019) et au palais d’Iéna à Paris pour les 50 ans de la Francophonie (2020). La pandémie la contraint, conjointement avec François de Beaulieu, à se fixer un nouvel horizon. Mais sans renoncer à regarder vers le haut. “Il faut toujours être dans ce que l’on maîtrise le mieux pour faire quelque chose d’important”, observe Ousmane Ouedraogo. Comme travailler, par exemple, avec des tissus éco-responsables. “C’est un héritage qui me vient du Burkina-Faso”, ajoute-t-il. “Les femmes y font du tissage pour subsister. Ces mêmes tissus que je récupère, pour faire des vêtements, ont plus de vie qu’un tissu industriel”. Dans le même esprit, l’Institut de formation aux textiles du monde promeut l’entreprenariat féminin et l’upcycling (les chutes de tissus sont récupérées, transformées en accessoires ou objets d’art). 

Sur le canevas de l’Institut se croisent de multiples fils conducteurs: parrainage des sessions de formation par des personnalités de la mode et du textile, conférences de culture générale sur la mode, création d’une association d’alumni pour favoriser le réseautage entre anciens et nouveaux apprenants… “Apprendre à coudre, à tisser, à couper… et apprendre que la vie est plus large que ça”: pour François de Beaulieu, il s’agit ainsi de “créer de la richesse économique mais aussi humaine”. Avec une ambition forte. “Nous avons structuré tout ce concept de façon à ce qu’il puisse être dupliqué dans d’autres villes, mais aussi à l’international”, conclut-il en précisant que des contacts sont déjà en cours.