Agroforesterie et poules font leur nid en Champagne

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Le vigneron de Verzy Sébastien Mouzon ( au centre).
Sebastien Mouzon du Champagne Mouzon Leroux, en pull noir et bande grise, plantant des arbres dans ses parcelles de vigne a Verzy dans la Marne.

Poules, haies ou encore arbres fruitiers: pionnier de l’agroforesterie en Champagne, Sébastien Mouzon, vigneron à Verzy, a réintroduit une vraie biodiversité dans ses vignes. Face aux aléas climatiques, un atout majeur.

Dix-huit poules et deux coqs qui picorent dans les vignes: à Verzy, au cœur de la Côte des Blancs, le vigneron champenois Sébastien Mouzon déplace ses volatiles d’une parcelle à l’autre -il y en a soixante sur huit hectares- pendant la période hivernale. Pour éviter que les poules fassent le mur ou ne soient la proie d’un renard, il installe une clôture. Cela lui prend facilement une demi-journée à chaque fois. Oui, mais… “Du coup, pas besoin d’engrais. Elles mangent aussi l’herbe, grattent autour des pieds de vignes, nous débarrassent des chenilles mange-bourgeons”, énumère-t-il. Plume sur le gâteau, les volatiles finissent au pot à l’automne, nourrissant notamment les vendangeurs. “J’aime cette idée de l’autonomie vivrière. Cela vaut aussi pour les fruits, les légumes”. Ainsi résume-t-il ce qui procède, sur le fond, d’un raisonnement et d’une philosophie. Doublé du goût pour le travail bien fait.

En 2008, en même temps que Sébastien Mouzon convertissait le domaine familial à la biodynamie, il s’engageait dans une réhabilitation agroforestière. Les animaux accompagnent ce changement de pratique culturale. Au fil des ans, des arbustes ont repoussé, par complantation sur des pieds de vignes morts, des haies ont été plantées, alignées en diagonale “pour que les insectes puissent circuler à l’intérieur des vignes”. Quelque 500 arbustes et haies en tout, complétés par plus de 25 arbres fruitiers, de variétés diverses et anciennes (pommiers, poiriers, cerisiers, pêchers de vigne…). Avis aux oiseaux.

“Qu’est ce qu’on met sous la notion d’agroforesterie? Aujourd’hui, ce n’est pas un label, rappelle Sébastien Mouzon. J’y entre des arbres, des engrais verts, des nichoirs à oiseaux et à chauve-souris. J’ai aussi réintroduit des légumes comme les pommes de terre, les courges, les tomates, des aromatiques, type sarriette, menthe et thym, et du pâturage en hiver. Cela permet d’arriver à une agroforesterie un peu plus globale”.

En cette année 2021 où le gel, puis le mildiou et l’oïdium provoquent des dégâts considérables, la maison de champagne Mouzon-Leroux fait partie des quelques unes  qui s’en sortent bien.  “J’ai toujours été convaincu que casser la monoculture avec une autre végétation n’amène que du positif, de la biodiversité”, poursuit Sébastien Mouzon. Quitte, donc, à baisser sa production.

« La Champagne bouge très vite, il faut dire qu’on vient de loin. » – Sébastien Mouzon

Le résultat ne se mesure pas qu’en termes de résistance aux maladies de la vigne, à la capacité d’un arbre à protéger (entre autres) du chaud et du froid. Celui qui représente la neuvième génération à travailler la vigne et la quatrième à faire son propre vin, signe des champagnes nature sans soufre, non oxydés. Ils sont droits, remplis d’énergie. Six effervescents tantôt issus de l’assemblage de l’ensemble des parcelles, tantôt des millésimés, aux cépages distincts. Avec, là encore, la touche Mouzon-Leroux puisque la maison en arbore sept: deux cépages autochtones (l’arbane et le petit meslier), le pinot blanc et le pinot gris côtoient désormais les trois grands classiques de la Champagne (chardonnay, pinot noir et meunier). “Cela donne des dizaines et des dizaines de pieds différents, des comportements différents et, forcément, des vins différents”, s’enthousiasme-t-il. Les amateurs ne manquent pas. La moitié de sa production est écoulée en France, l’autre dans une trentaine de pays à travers la planète.

“La Champagne bouge très vite -il faut dire qu’on vient de loin-, les autres régions viticoles aussi”, relève Sébastien Mouzon. Lui qui s’est inspiré d’autres vignerons reçoit désormais la visite de plus jeunes. “Ils passent en bio, replantent des arbres et, en même temps, avancent sur d’autres choses. On a tout intérêt à échanger”.